L’organisation de séminaires à l’Institut français d’études anatoliennes (IFEA) autour des monuments urbains ou régionaux — Constantinople et la Cappadoce — a mis en exergue certaines questions fondamentales sur la patrimonialité en Turquie. Parmi tous les sujets soulevés au cours de ces conférences, il est apparu que les acteurs, lors de la mise en valeur d’un monument ou d’un site en Turquie, interagissent de manière à créer une dynamique qui se ramifie selon les besoins locaux et se rencontrent rarement dans d’autres pays.
Cette singularité turque s’explique en grande partie par la richesse de ses monuments qui se surimposent, formant un héritage complexe et subtil qui oblige les différents types d’acteurs à agir de concert afin de monter des projets de valorisation et de protections du patrimoine.
Discernés ces acteurs est chose facile. Tout projet de mise en valeur ou de protection d’un patrimoine est élaboré par plusieurs types d’institutions ou d’organisations, inscrits dans des systèmes hiérarchisés. On peut ainsi identifier d’un côté, les acteurs publics – l’Etat à travers, entre autres, le Ministère de la Culture et du Tourisme et plus particulièrement de la Direction générale des patrimoines et des musées (Kültür Varlıkları ve Müzeler Genel Müdürlüğü), mais aussi les centres de recherche à fonds publics, les universités publiques ou encore les préfectures et les municipalités – et de l’autre les acteurs privés – fondations (vakıf) et associations (dernek) nationales ou internationales ou encore instituts de recherche privés mais aussi populations locales qui peuvent parfois jouer un rôle important dans les évolutions et décisions concernant le patrimoine d’une région, d’une ville, voire d’un quartier. Appréhender ces différents acteurs par l’intermédiaire d’études de cas locaux révèle leur grande diversité et met en lumière leurs besoins, leurs stratégies et leurs buts qui, parfois, au sein d’un projet de niveau local, peuvent divergés voire même être concurrentiels. Les processus de « patrimonialisation » d’un site ou d’un monument nécessitent donc, en soi, une étude précise.
Les processus de patrimonialisation nécessitent donc l’action d’une multiplicité d’acteurs publics et privés qui, à travers leurs décisions, mettent en exergue le rôle du patrimoine comme chaînon intermédiaire entre un territoire et sa population, mais aussi déterminent la formation d’une mémoire collective pour qui sites et monuments sont les formes matérielles d’un passé immatériel. C’est dans ce contexte que les questions suivantes gagnent en signification : Quels sont, dans les processus décisionnels, les aspects valorisés et les compromis trouvés entre les différents acteurs du patrimoine? Par qui et comment sont choisis et gérés les sites et monuments mis en valeur par les processus de patrimonialisation ? Quelle place est donnée à la population locale dans l’appropriation du patrimoine ? Quels sont les liens entre patrimoine et mémoire ?
Par le truchement d’études de cas, ces journées d’études doivent permettre de comprendre comment s’articulent les interventions des acteurs au niveau local et comment se crée l’émulation permettant à un projet d’aboutir, au sein de ce pays au patrimoine si complexe et stratifié.
Nous souhaitons réunir pour un débat commun, sur deux jours, des intervenants principalement turcs concernés à divers niveaux dans la mise en valeur et la conservation du patrimoine. Quelques intervenants étrangers permettront d’ouvrir plus largement ces échanges et de partager d’autres solutions correspondant à leur propre expérience.
Ces journées d’étude se tiendront les 6 et 7 juin 2013, à l’auditorium de l’Université Mimar Sinan, à Istanbul. Une première demi-journée sera consacrée à la visite des murailles d’Istanbul en compagnie du directeur de l’IFEA Prof Dr. J-F. Pérouse et du Prof. Dr. Zeynep Ahunbay pour amorcer les discussions.
Puis, les journées se présenteront sous la forme de sessions composées de deux communications de 30 minutes chacune suivies de discussions. A la fin de la deuxième journée, une table ronde permettra aux intervenants d’échanger leurs conclusions sur l’ensemble des présentations. A l’issue de ces journées d’étude, une publication est souhaitée.
Ce projet associe des institutions françaises et turques : l’IFEA, le Département de restauration de l’université de Mimar Sinan, le Ministère des Affaires étrangères et européennes de France, le CETOBAC (EHESS, Paris) et l’association Europa Nostra Turkey.
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