En juillet 1990, Jean-Pierre Thieck, dit Michel Farrère, meurt à Paris, succombant au sida contre lequel il luttait depuis longtemps. Dans les premières pages de son livre, La Passion d’Orient, on peut lire un résumé de sa biographie écrite par Gilles Kepel qui le décrit comme « l’orientaliste français le plus éblouissant et le plus doué de sa génération ». Son éducation, né en 1949, d’une mère militante française d’origine juive tunisienne et d’un père syndicaliste anglais, le conduit tout d’abord au Caire puis en Afrique de l’Ouest. C’est à cette époque, que se combine sa vocation d’historien et son engagement communiste. Cet engagement militant lui vaudra quelques expulsions, dont la dernière d’Egypte, où il avait commencé une thèse sur la société urbaine du Caire. Il abandonne donc sa thèse et réoriente son intérêt vers la Syrie Ottomane, en particulier la ville d’Alep au XVIIIe siècle. Mais c’est surtout dans Beyrouth en guerre qu’il passe son temps et où il perd son cher ami, Michel Seurrat, enlevé puis assassiné par l’organisation du jihad islamique. La perte de son ami est un choc terrible et lui fait quitter le monde arabe pour partir à Istanbul. Il est rattaché à l’Institut Français d’Etudes Anatoliennes à partir de 1985 où il devient correspondant pour le journal Le Monde. Pendant trois ans, il fait découvrir aux lecteurs français une Turquie ignorée. Observateur passionné de toutes les mutations d’un pays et d’une ville en effervescence (« Istanbul sens dessus dessous »), de l’émergence des mouvements de réislamisation aux manifestations de travestis (« La grève de la faim des travestis d’Istanbul »), en passant par le combat kurde (« Les Kurdes entre intégration et séparatisme »), il rédige 145 articles pour Le Monde et une soixantaine de pages d’un guide intime d’Istanbul « Les milles et une nuits » publié à la fin du volume Passion d’Orient. En 1989, il revient à Paris pour se faire hospitaliser.
Le 17 juillet 1990, le journal Le monde rend hommage à Jean Pierre Thieck :
« Le Consul général de France, des historiens et journalistes turcs et étrangers, ses amis, ont jeté une couronne de fleurs dans le Bosphore en un lieu-symbole d'Istanbul : le pont d'Ortakoy qui joint l'Occident à l'Orient. Agrégé d'histoire, Jean-Pierre Thieck avait consacré ses recherches à l'empire ottoman à l'Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul, après deux ans à l'Institut français d'études arabes de Damas et trois ans au Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain à Beyrouth ».
Sa bibliographie :
« Le problème de la transition dans l’Egypte de Muhammad ‘Ali’ », in Analyses Theories, revue de l’université de Paris VIII, 1979.
« Les Khitat al Tawfiqiyya de Ali Pacha Mubarak comme source de l’histoire urbaine du Caire au XIXe siècle : utilisation de l’informatique », in L’Egypte au XIXe siècle, actes du colloque d’Aix en Provence, 1979.
« Un autre orientalisme », compte rendu du livre d’Edward Said, Orientalism, in Annales ESC, mai-aout 1980.
« Décentralisation ottomane et affirmation urbaine à Alep dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle » in Mouvement communautaires et espaces urbains au Machreq, CERMOC, Beyrouth, 1985.
« Observations sur l’élevage et le commerce des moutons dans la région de Raqqa en Syrie » (avec Jean Hannoyer), Production pastorale et société, MSH n°14, pp. 47-63.
Passion d’Orient, Paris, Karthala, 1992.
Voir aussi André Bourgey et Jean Hannoyer « Hommage à Jean Pierre Thieck » dans CEMOTI, 1991/11.