Uğur Kaya, « Frontière et territorialité dans la perception du monde selon l’État turc », Confluences Méditerranée 101. DOI : 10.3917/come.101.0013.
Le principe essentiel de la politique étrangère turque depuis sa fondation républicaine, consiste à garder le statu quo territorial. Parallèlement, l’État turc conduit une politique réfléchie de rupture avec les régions voisines, notamment avec « l’Orient » arabo-musulman. Cette rupture engendre en Turquie un caractère politique que je qualifierai d’insulaire. Les frontières demeuraient jusqu’alors une ligne de délimitation entre diverses zones géopolitiques servant à bloquer le passage. Avec la fin de la guerre froide, à la recherche d’une nouvelle stature internationale, l’État turc développe un nouveau paradigme politique, modifiant les représentations du monde et la gestion des frontières. La Turquie est envisagée comme un empire logistique local, sous la protection d’un empire global avec le leadership américain. Mais depuis le gouvernement Erdogan, l’idée d’un empire local en harmonie avec l’empire global pour la Turquie laisse place à l’idée d’un empire à vocation universelle protecteur et régulateur, face à un empire occidental déstabilisateur.