Juliette Dumas, Sabine Frommel (dir.) Bâtir au féminin ? Traditions et stratégies en Europe et dans l'Empire ottoman Paris, Picard / IFEA, 2013, 304p 25pl. ISBN 9782708409538
Bâtir au féminin sonne comme une provocation pour l’époque moderne, tant la place des femmes dans le domaine du patronage architectural peut sembler limitée entre le XVe et le XVIIIe siècle. Pourtant, si l’Europe chrétienne et l’Empire ottoman musulman se retrouvent dans une distribution sexuée des rôles – aux hommes revient l’implication dans la vie publique et politique, aux femmes l’action dans la sphère domestique –, de notables exceptions sont admises pour les femmes de l’élite, notamment quand elles appartiennent aux maisons régnantes. Les contributions regroupées dans ce volume se fondent sur une mise en perspective du patronage des femmes par rapport à celui des hommes et l’impact des liens existants avec un père, un frère, un mari ou un fils au sein des réalisations féminines. En Orient comme en Occident, l’art de bâtir constitua un moyen privilégié pour les femmes de rivaliser avec les hommes sur la scène officielle et d’établir une stratégie visuelle qui permette aux reines, régentes et princesses de glorifier leurs origines, leur identité ou leur statut. Si l’architecture palatiale fut un domaine très prisé des grandes dames européennes, l’architecture religieuse doit beaucoup à celles de l’Empire ottoman où de nombreuses mosquées furent édifiées grâce au mécénat féminin. Ces confrontations mettent en lumière les écarts mais aussi les analogies pouvant exister entre la France des Valois ou des Bourbons et la Russie de Catherine II, ou entre les principautés italiennes et les réalisations architecturales des concubines des sultans ottomans, rendant possible une meilleure compréhension des traditions orientales et occidentales susceptible d’approfondir le dialogue entre celles-ci.