Journée d'études 6-7 janvier 2012
Institut Français d'études Anatoliennes - Istanbul

Organisée par : Yavuz Aykan (doctorant Ehess - Université de Munich), Juliette Dumas (doctorante Ehess – IFEA) et Işık Tamdoğan (chercheur CNRS – IFEA)

I.    Pluralité des institutions judiciaires et leur interaction

Zouhair Ghazzal (Professeur, Loyola University, Chicago):
The parallel adjudication of the “Egyptian” majlis in Aleppo in 1838”

Charles Wilkins (Assistant Professor, Wake Forest University)
“Provincial Governors as Judicial Authorities: The Assessment and Collection of Legal Fines in Seventeenth-Century Aleppo”.

İşık Tamdoğan (chercheur CNRS/IFEA, Istanbul)
« The relationship between the Wednesday Assembly and the qadis of Istanbul in the 18th century».
Nil Tekgül (Doctorante, Bilkent Üniversitesi)
« Osmanlı Klasik uygulamasında eyalet divanının niteliği ve fonksiyonu üzerine değerlendirmeler »
Panagiotis Krokidas (Doctorant-archiviste, Crète, Grèce)
“Love and punishment in the years of Mehmet Ali, 1830-1834”.

James Edward Baldwin (Post doctorant, Queen Mary University, Londres)
”Mazalim in Ottoman Cairo: the role of the Sultan and the provincial governor in administering justice”

II.    Les tribunaux des cadis au jour le jour

Timothy J. Fitzgerald (Maître de conference, James Madison University)
“The Qadi is Not Alone: The Diffusion of Justice in Early Ottoman Aleppo”
Richard Wittmann (Docteur, chercheur au Deutsches Orient-Institut Istanbul)
“Seeking for justice in front of the court of Hasköy in the 17th century”
Isabelle Grangaud (chercheur CNRS, IREMAM, France)
« La justice et ses traces à Constantine. Registres et activités judiciaires dans une ville du Maghreb ottoman »
Alp Yücel Kaya (Maître de conférences, Istanbul Teknik Üniversitesi)
“Administering Property Disputes: Institutionalization of Justice of Peace in the Ottoman Empire (1839-1908)”
Suraiya Faroqhi (Professeur, Université de Bilgi)
"Disputes about resm-i-tapu in the mid-18th century Gebze region"

III.    Quand différents corps de droit (chéria, kanun et coutume) et systèmes juridiques se croisent

Engin Akarlı (İstanbul Şehir Üniversitesi)
"Custom as Signifier of Consensus, Commonality and Right"
Martha Mundy (Professeur, London School of Economics, Londres)
“In what terms justice? Ethics, fiqh and political authority”
Ahmet Akgündüz (Professeur, University of Amsterdam, Pays-Bas)
“The Legal Structure of Ottoman Judicial System before Tanzimat”
Yavuz Aykan (doctorant EHESS/Université de Munich)
“On the authority of the qadi’s judgement: the mufti of Amid and the genealogies of Ottoman Hanafism”
Fatma Karagöz (ATER, Bahçeşehir Üniversitesi-Istanbul)
“What was Kânûnnâme-i Cedîd?”
Zülal Muslu (Doctorante, Université Paris-Nanterre)
“Entre intérêts étatiques et intérêts des particuliers, le drogman devant les tribunaux de commerce mixtes ottomanes au XIXème siècle”
Eugenia Kermeli (Assistant Professor, Ankara- Bilkent Universitesi)
“The pursue of justice in ecclesiastical and communal courts of Ottoman Christians”

Faika Öz Çelik (Doctorante, McGill University, Montréal-Canada)
 “Gendering the Margins: Gypsy Women Seeking Justice in Istanbul (1540-1600)”.

M. Hadi Hosainy (Doctorant, The University of Texas at Austin, Etats-Unis)
Ottoman Legal Flexibility and Women’s Property Rights”


Juliette Dumas (Doctorante, EHESS, Paris/IFEA, Istanbul)
"Des femmes au-dessus des lois ? Le cas des Sultanes"

 

La justice dans la société ottomane était pratiquée au sein d'une configuration complexe, faite de l'interaction de différentes sources de références juridiques (chéria, kanun, coutumes), institutions ou acteurs et donnait lieu à une multiplicité de pratiques différentes. Si la pluralité des références juridiques opératoires dans le champ de la justice ottomane a retenu depuis longue date l'attention des chercheurs, l'étude de la multiplicité des institutions et des acteurs opératoires dans ce domaine, laisse encore à désirer. Pourtant, dans la société ottomane, les personnes qui étaient en désaccord, voire impliquées dans un conflit, disposaient de plusieurs voies alternatives pour résoudre leur différend. A l'échelle de l'Empire il y avait bien sûr, les tribunaux des cadis auxquels les sujets (musulmans ou non) pouvaient s'adresser mais ceux-ci ne représentaient pas la seule institution ou instance distribuant les droits ou sanctions parmi les sujets. Il y avait par ailleurs le divan impérial ou bien les autorités des différentes communautés religieuses ou professionnelles, auquel les personnes pouvaient faire appel en cas de conflit. Par ailleurs, les autorités militaires tel que les gouverneurs et leur assemblée [eyalet divanı] pouvaient aussi agir dans la sphère de la justice en tant qu'arbitres ou bien pouvoir exécutifs. Et le pouvoir judiciaire ou exécutif des uns (tel les cadis) pouvait être corrigé, complété ou bien contre balancé par celui des autres (tel les vali, le şeyhülislam, le Grand Vizir ou les muftis).

Cette Journée d'études est organisée à la suite d'un séminaire de recherche qui s'est tenu à l'Institut Français d'études Anatoliennes d'Istanbul, sur la pluralité des institutions, acteurs et pratiques opératoires dans le domaine de la justice ottomane en 2010-2011

L'objectif de cette Journée d'études est de contribuer à une meilleure compréhension de l'interaction de ces différentes institutions et acteurs lors des processus de règlement de conflits entre individus ou bien au cours de l'établissement de la justice en générale ; mais aussi lors des processus punitifs.
Par ailleurs, dans la société ottomane, les différends et conflits entre individus ou groupes pouvaient aussi être réglés sans recours à une institution, tel les tribunaux des cadis, le mufti ou bien le divan impérial. C'est le cas quand la société cherche à rétablir la justice d'elle-même. Ces pratiques judiciaires de la réconciliation ou bien de la vengeance directe, qui étaient opératoires hors des institutions feront également partie de notre discussion. Qu'il s'agisse des pratiques punitives ou bien réconciliatrices (telle la pratique du sulh), c'est encore une fois l'interaction entre ces différentes sphères de justice, qu'ils soient « informelles » ou bien plus institutionnalisées qui retiendra notre attention.
La complexité du champ de la justice ottomane, gagne davantage d'ampleur par son évolution dans le temps. Ces institutions et pratiques qui interagissent déjà de manières complexe et subtiles sont loin d'être stables et uniformes, ni dans l'espace ni dans le temps, au cours de la durée de vie de l'Empire. Par cette Journée d'études nous souhaitons également d'approcher leurs évolutions et mutations respectives dans le temps (XVème - XIXème siècles) et l'espace (des Balkans au provinces arabes).

Afin de pouvoir approcher cette complexité du champ de la justice ottomane, nous proposons de travailler autour de certaines questions de fond :

1. La marge de manœuvre des individus

  • Les individus disposaient ils d'une certaine marge de manœuvre quant au choix de l'institution pour régler leurs différends ?
  • Selon quels critères (statut personnelle ou bien nature du différend) les personnes choisissaient elles l'instance juridique à laquelle s'adresser (tribunal du cadi, divan impérial) ?

2. L'interaction des différentes institutions

  • Quand une procédure juridique était en cours, comment est-ce que les différentes institutions pouvaient intervenir chacun à leur tour et successivement ?
  • Comment est-ce que le partage des pouvoirs s'opérait-il entre les différentes instances – tel le cadi et les gouverneurs par exemple ?
  • L'interaction entre les tribunaux des cadis et les divans des gouverneurs ou bien du divan impérial nous intéressera particulièrement mais aussi la place faite aux opinions des juristes (tel les muftis), tout au long des processus de la réconciliation et des débats en justice.
  • Est-ce que l'on peut soutenir qu'il s'agissait d'une hiérarchie clairement définie entre ces différentes instances ou bien opéraient-elles à leurs façons selon la nature des conflits, le statut des partie prenants ou bien au hasard des demandes et choix des plaignants ?

3. Pratiques juridiques en dehors des institutions

  • Comment les conflits étaient ils réglés en dehors des institutions juridiques ?
  • Quelle légitimité avaient ces « pratiques » face aux institutions juridiques et exécutives (tels le cadi et les gouverneurs) ?