Amida, akkadienne ? (jusqu’au XXIIe s).. medio-assyrienne ( jusqu’au XIIIe s).. araméenne (jusqu’en 880-866).. puis néo-assyrienne
Par Antoine Pérez
Notes de lectures
Amid(i) n’est pas attestée dans les sources du IIe millénaire
Pourtant, elle est déjà certainement la capitale du Bit–Zamani (cf. carte), un royaume que des tribus araméennes ont fondé sur le haut-Tigre au XIIIe siècle, au détriment de territoires appartenant à l’Assyrie (moyen-empire assyrien)1. La première mention du Bet-Za-ma-ni se trouve, au moyen-empire assyrien, dans un document administratif en cunéiforme de Tell Billa du Ier tiers du XIIIe s., donc. Il y est question d’un certain Assur Kasid, « gouverneur de la province de Bit-Zamani », que J. J. Finkelstein assimile au futur état araméen2. Le chef-lieu n’est pas cité, et la province y est donc mentionnée par son nom araméen, ce qui indique que son territoire concerne un fond de population composé à cette époque de tribus araméennes (les Araméens sont des nomades qui ont essaimé un peu partout à cette époque dans l’empire assyrien jusqu’à fonder de petits états : cela ne contrevient pas à la présence indo-aryenne – «paléo-proto-Kurde » – dans la région).
Par la suite, le Bit-Zamani ne sera plus mentionné jusqu’au règne de Tukulti-Ninurta II (890-884). On ne sait donc pas grand-chose de son histoire entre le XIIIe et le IXe s. Ensuite, on voit dans les sources assyriennes (monolithe d’Asurnasirpal II à Kurkh) que les Araméens exercent une pression sur les territoires assyriens à l’ouest du Tur Abdin (le roi se vante de leur avoir repris les citadelles de Sinabu et Tidu). Ce passage est relié à la première intervention du roi contre le Bit-Zamani en 879, ce qui doit signifier que les tribus qui ont occupé les-dites citadelles sont les mêmes que celles qui dirigent le Bit-Zamani.
Le nom Amid : il a une origine ouest-sémitique = « celle qui est debout, ou qui se dresse » (…), ce qui semble impliquer sa solidité, sa puissance (et, partant, son enceinte). Ce nom, donc, n’apparait pas dans les sources antérieures (IIe millénaire), avant la fin de l’autonomie du royaume araméen de Bit-Zamani (cf. infra). Selon E. Lipinski (p. 153), il est impossible qu’Amida n’ait pas existé en tant que forteresse majeure bien avant le Xe s, étant donné le caractère crucial de sa position, et au vu du témoignage de la fameuse stèle du roi Akkadien Naram-Sin (vers 2200 av. J.-C) découverte à Pirhüseiyn (NE de Diyarbakir) : la zone y est vue comme économiquement et militairement capitale, or Diyarbakir en est le site-clé. C’est pourquoi Lipinski pense qu’il faut assimiler Diyarbakir à la cité d’Eluhat ou Elahut3, connue des annales royales akkadiennes puis assyriennes, et qu’elle aurait gardé ce nom jusqu’au Moyen-Empire assyrien, jusqu’à époque où les Araméens, donc s’installent dans le Bit Zamani (XIIIe s).
Le premier « gouverneur » (tenant lieu de..) du Bit-Zamani néo-assyrien (vers 880)
En 880, le Bit-Zamani paye un tribut au roi assyrien : c’est le début de la fin. Le royaume est dirigé par un personnage dont le nom n’est pas assyrien, mais il est le premier « gouverneur » (ou homme-lige) nommé par l’Assyrie : « Am-mi-ba-‘-la/li » (« mon ancêtre est seigneur ») : il dirige le Bit Zamani sous le règne de Tukulti-Ninurta II (890-884) qui, après avoir détruit certaines de ses villes (dont Amida ?) conclut un traité de paix. Mais les nobles araméens se révoltent et c’est Assurnasirpal II qui punit ce complot des « nobles d’Ammi-bal’i ». Après avoir tué les instigateurs de la rébellion, le roi désigne un nouveau leader du Bit-Zamani, un certain Ilanu. S’ensuit une expédition qui atteste la première mention d’Amid(i), en 866 : le roi attaque la ville de Damnammusa, puis se dirige vers Amida :
« J’ai pris les soldats vivants et les chefs d’Amida, sa (Ilanu) ville royale. J’ai construit un tas de têtes devant ses portes. J’ai empalé les soldats vivants autour de sa ville. J’ai combattu devant ses portes et réduit ses vergers. Partant d’ Amida, Je suis entré dans le col du Mont Kasiyary à Allapsia (au-delà du Taurus) là où aucun des rois Mes pères avaient jamais mis les pieds ».4
(En fait, Assurnasirpal ne semble s’être frayé un chemin qu’à travers la ligne extérieure de la défense d’Amida, mais n’a pas réussi à saisir et piller la ville, selon Lipinski : ce qui veut dire que l’enceinte devait être imposante… Cette relation est d’ailleurs la dernière consignée dans le style annalistique classique assyrien).
Peu après (856) le roi Salmanazar (ou Shalmaneser) III traverse à nouveau le Bit-Zamani pour aller porter le fer contre le royaume d’Urartu (future Arménie), et 5 campagnes en Urartu sont mentionnées pour l’année 832 avec encore mention du Bit-Zamani.
En 838, le titre de « gouverneur de Nairi, Amedu, Sinabu, etc.. » est attesté mais selon Lipinski (vues un peu différentes chez Szuchman) on ne sait pas exactement à l’année près quand le royaume est régularisé comme province. On connaît ensuite une douzaine de gouverneurs éponymes d’Amida (c’est le système chronologique des Assyriens), dont un en 800 (cf. recueil de Glassner)5. Et ce jusqu’au début du VIIe s. Après, c’est l’inconnue… La région devient achéménide à la mi-VIe siècle
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Résumé : après le Moyen empire assyrien, les Araméens qui se déplacent «dans l’ombre de l’empire» maîtrisent le Bit Zamani à partir du XIIIe s, en tout cas de façon certaine entre le Xe s. et 880. Amida est sa capitale sous ce nom sémitique (dès le début sans doute). Elle n’est attestée sous cette appellation qu’à partir de l’attaque de 866, c’est-à-dire le moment où le royaume araméen perd son indépendance. Des nobles araméens, hommes-liges du roi d’Assur, y gouvernent pour le compte de l’Assyrie depuis 880. Le Bit-Zamani devient – ou redevient- une province assyrienne entre 850 et 830. Amida reste le chef-lieu, désormais capitale de la province la plus septentrionale de l’empire jusqu’à la conquête achéménide.
Bibliographie