Āmid chez Ibn Šaddād6
On raconte que lorsqu’Abū Mūsā ‘Īsā ibn al-Šayḫ s’appropria Āmid, al-Mu‘taḍid se porta à sa rencontre, en 285/898. Il l’assiégea dans la ville jusqu’à ce qu’il la prit de force. Lorsqu’elle fut en sa possession, il raccourcit sa muraille. Elle resta en l’état jusqu’au moment où passa un portefaix du nom d’Ibn Dimna et il portait sur son dos une gerbe de froment. Il le déposa pour prendre du repos et s’assit. Il jeta un œil sur la muraille et remarqua qu’elle était petite. « Que sa construction serait parfaite si elle n’était si peu haute ! » dit-il. « Par Dieu, si je deviens le souverain de cette ville, j’élèverais sa muraille d’une taille d’homme ! » Il subit les vicissitudes du sort, qui le fit passer comme il se doit de l’abaissement des gens de petite condition aux positions des maîtres. Mumahhid al-Dawla (r. 387/997-401/1011) arriva au pouvoir, il remit à Ibn Dimna les clefs (maqālid) de son pouvoir et il lui permit d’organiser son Etat. Et Ibn Dimna accomplit son vœu. Il augmenta en hauteur la muraille et il bâtit l’avant-mur. Cette élévation reste bien visible jusqu’au moment où ce livre est écrit, c’est-à-dire en 679/1280.
A l’époque de Niẓām al-Dīn Abū l-Qāsim Naṣr ibn Naṣr al-Dawla ibn Marwān (r. 401/1011- 453/1061), on rénova de nombreux points de la muraille de la ville, et son nom y fut [inscrit] à l’extérieur et à l’intérieur. Le pont fut [aussi] édifié sur la rive, à l’est de la ville. [Lacune] sous le rocher [lacune] ce qui fait dix sources et plus. Et on tomba d’accord pour la rénovation de ce qui était dispersé des nombreuses exploitations agricoles.
La ville dispose de deux sources d’eau vive, l’une est à l’intérieur et s’appelle Sawrā, on ignore quelle est son origine. Certaines personnes prétendent qu’elle sourd du mont Līsūn. L’autre, la source Za‘ūrā, est à l’extérieur de la muraille, près de la porte des Rūm. Mumahhid al-Dawla ibn Marwān édifia au milieu de la ville une coupole. A une certaine distance d’elle, se situe la source Bākilā d’où coule un cours d’eau qui entre en ville et s’y diffuse dans des conduites (qasāṭil). La mosquée en reçoit une part qui se déverse dans un grand étang. La ville dispose de deux madrasas, l’une à l’est de la mosquée et connue sous le nom d’al-Tāǧiyya, dont l’édification revient à Tāǧ al-Dīn. La seconde est dans le voisinage de la mosquée, l’une de ses deux portes ouvre sur la rue et l’autre sur la mosquée justement. On compte deux couvents (bī‘atān). L’un est dans la direction de la porte des Rūm et est appelé le « Couvent de Marie ». Il est d’une construction ancienne et solide, de sorte que sa solidité est prise en exemple dans les dictons. Le second est dans les environs du jardin appelé al-Manāzī. La ville avait un immense couvent avant la conquête musulmane, et lorsqu’elle fut conquise par la force, ses habitants s’y réfugièrent, avec les musulmans à leur trousse. Ils ne trouvèrent qu’une seule femme, debout à la porte d’un caveau. Ils l’interrogèrent sur ceux qui étaient entrés dans le couvent, et elle les informa qu’ils avaient pénétré dans ce caveau, qui les avait conduit finalement dans le pays des Rūm.
Le couvent fut démoli à l’époque d’al-Malik al-Ṣāliḥ Maḥmūd, et certaines de ses pierres servirent à l’entrepôt des étoffes (li-l-bazz), ses ruines indiquent sa grandeur passée.
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