Ignacio Adiego, The Carian Language

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Ignacio Adiego, The Carian Language, Leiden: Brill, 2007, 526 p.

Les Cariens peuplaient un territoire montagneux et côtier qui correspond aujourd’hui aux provinces de Muğla et d’Aydın. Comme leurs voisins méridionaux, les Lyciens, les Cariens parlaient une langue indo-européenne dérivant du louwite qui elle-même trouve ses origines dans le hittite. La langue des Cariens, en raison d’un nombre restreint de documents, a longtemps gardé ses secrets et son déchiffrement n’a pu se réaliser que très récemment.

L’ouvrage du savant espagnol Ignacio Adiego, The Carian Language représente la somme de nos connaissances actuelles sur le carien. Avec son collègue de Cambridge, l’égyptologue John Ray, Adiego a contribué énormément aux efforts de déchiffrement du carien qui fourvoya plusieurs générations de linguistes. Comme l’alphabet carien comprend un certain nombre de lettres identiques au grec, l’approche des spécialistes des langues anatoliennes fut de privilégier une approche classique qui consistait à donner les valeurs phonétiques du grec à ces lettres cariennes grecques de forme. Ce fut une entreprise ardue et ingrate jusqu’au jour où l’on décida de se pencher davantage sur les inscriptions cariennes d’Egypte.

L’ironie du carien, en effet, est qu’il existe un nombre plus important d’inscriptions cariennes découvertes en Egypte qu’en Carie. Ceci est dû à la migration en masse de Cariens en Egypte tout au long des époques archaïque et classique. Ils officiaient pour la plupart comme mercenaires à la solde de pharaons qui appréciaient la qualité combative de ces « hommes de bronze ». Ils ont laissé quelques inscriptions dont certaines sont bilingues. Celles-ci ont donné lieu à l' »approche égyptienne » qui depuis 1980 a permis le déchiffrement de la plupart des lettres de l’alphabet carien. Les nouvelles valeurs phonétiques ont elles-mêmes permis à Koray Konuk, auteur dans ce volume d’un appendice sur les monnaies à inscriptions cariennes, de proposer toute une série de nouvelles attributions et identifications d’ateliers monétaires.

Le livre d’Adiego est l’œuvre d’un grand savant dont la démarche intellectuelle arrive ici à maturité. Etant donné sa qualité, sa rigueur et son exhaustivité, mais également le nombre très limité d’inscriptions inédites que l’on découvre, il est à parier que ce livre ne sera pas remplacé d’ici au moins une ou deux générations. The Carian Language a en effet toutes les qualités d’un ktema eis aiei.

NB: L’IFEA organise une série de séminaires (le premier, le 4 mars 2009) sur divers aspects archéologiques et historiques de la Carie:

http://www.ifea-istanbul.net/website/index.php?option=com_content&task=view&id=1028&Itemid=1