Historien et politologue, spécialiste des minorités religieuses, Samim Akgönül enseigne à l'université Marc Bloch de Strasbourg et fait des recherches au laboratoire "Société, Droit et Religion en Europe" du CNRS (Strasbourg).
Longtemps Eglise purement locale pour les autorités turques, le Patriarcat grec orthodoxe de Constantinople a su devenir dans la deuxième moitié du XXe siècle, une institution internationale de poids dans le monde orthodoxe. Les débats sur son caractère "œcuménique" continuent de faire planer un flou sur son statut réel. Après avoir été menacé d'exil lors de la création de la République turque en 1923, le Patriarcat a réellement été isolé tout au long des années 1930 et 1940, ne s'occupant que des affaires religieuses de la minorité grecque de Turquie, vestige des temps ottomans, épargnée de l'échange obligatoire entre la Grèce et la Turquie en 1923. Les années 1950 ont coïncidé avec les tensions dans les relations entre la Grèce et la Turquie, dues principalement à l'affaire chypriote, qui ont naturellement affecté le Patriarcat. En même temps, il s'agit là des années de résurrection, du retour de cette institution sur la scène nationale turque. Paradoxalement, la réduction spectaculaire du nombre des Grecs de Turquie à partir de la deuxième moitié des années 1960, a permis au Patriarcat de se défaire de son rôle local pour se consacrer davantage au monde grec orthodoxe dans son ensemble. Cette internationalisation des activités s'est accélérée à partir des années 1990, sous le patriarcat Vartholoméos, dans une période d'ouverture des pays de l'ancien bloc soviétique au fait religieux.