Anastassia Falierou (IFEA)
L'approche symétrique des historiographies grecques et turques se reflète dans les titres des ouvrages, qui composent le Fonds. Ainsi, en grec, on trouvera les titres suivants : ‘’Η Καταστροφή της Μικράς Ασίας (La catastrophe d’Asie Mineure)’’, ‘’Χρονικό μιας μεγάλης Τραγωδίας (La chronique d’une grande tragédie)’’, ‘’Tα παρασκήνια του Μικρασιατικού Δράματος (Les coulisses du drame micrasiatique), ‘’η Ηττα’’ (la défaite), ‘’Ο ιστορικός Διχασμός του 1922 (La division historique de 1922), ‘’Η Προδοσία’’ (La trahison), ‘’Η Μικρασιατική Εκστρατεία (L’expédition micrasiatique)’’, ‘’Η Τραγική Καταστροφή (La catastrophe tragique).
La composante grecque du Fonds Yerasimos compte presque 160 ouvrages. Ces ouvrages ne se réfèrent pas exclusivement à la ‘’catastrophe d’Asie Mineure’’, mais se caractérisent par une perspective beaucoup plus large, celle de l’hellénisme irrédentiste (en particulier la Macédoine, le Pont, la Thrace, Smyrne et sa région).
Classification thématique :
1. Les sources
On peut distinguer trois catégories des sources :
Les récits des opérations militaires
Il s’agit d'ouvrages appartenant à des genres variés (chroniques, correspondance officielle ou personelle, journaux intimes, mémoires, documents diplomatiques, rapports de guerre, etc...) qui concernent les opérations militaires en Asie Mineure. Cependant, ces sources nous offrent aussi souvent des informations sur la vie quotidienne des soldats au front, leurs pensées et leurs dilemmes. A coté des matériaux tirés des archives, on y trouve aussi cartes postales et photographies.
Les acteurs de la guerre
Il s’agit des biographies des personnages qui ont eu une implication personnelle dans la guerre (comme le général Danglis), ou dont l’engagement était directement lié à la cause de l’héllenisme (cf. le métropolite Chrisostomos à Izmir, ou le métropolite Grégoire de Kidonies/Ayvalık). Dans quelques cas, nous trouvons parmi ces ouvrages les biographies d'adversaires politiques (ex. Venizelos vs. le roi Constantin ou Dimitris Gounaris). Pour la plupart, ces ouvrages se nourrissent d'archives personnelles et parfois même de celles des protagonistes du conflit.
Sources sur l’histoire locale des communautés grecques (rum) d'Asie Mineure
Ici Il s'agit d'ouvrages écrits des auteurs qui ont vécu et grandi dans ces régions d'Asie Mineure. Ils portent sur l’histoire de certains bourgs et certaines villes telles que Kordelio, Burnovas (Bornova), Sevdiköy, Buca ou Nimpheo (Nif). Leur structure est semblable et leur contenu assez riche : position géographique du lieu, démographie, administration, activités économiques, vie culturelle et sociale (lieux de sociabilités, institutions de la communauté, coutumes (mariage, fêtes, etc..), personnalités éminentes originaires de cette région. Les textes s'accompagnent souvent de cartes et de photos.
2. La bibliographie secondaire.
La bibliographie secondaire se compose de monographies et de volumes collectifs (cf. par exemple le volume publié par le Centre d’Etudes sur l’Asie Mineure basé à Athènes). Ils sont centrés en grande partie sur les sujets suivants : la description du cours des opérations militaires de la côte égéenne jusqu’à l’intérieur de l'Asie Mineure, la retraite des Turcs, les malheurs et horreurs de la guerre (les massacres et les tortures subis par la population civile, les maladies, la famine, etc...), l'incendie d’Izmir, la vie de l’héllenisme d’Asie Mineure sous la République. L’originalité et les limites de ces travaux ? Ils représentent des points de vue politiques différents, autour du clivage entre partisans et adversaires de Venizelos. Notons aussi qu'ils publient des documents souvent inédits.
Il faut aussi signaler, parmi la bibliographie secondaire, des ouvrages sur l’histoire politique et sociale de la Grèce ou encore sur celle de la banque nationale (grecque) d’Asie Mineure.
Classement chronologique
Si on classe les ouvrages en grec du Fonds par décennie, on est frappé par l'importance des années 1919-1929, bien fournies, qui renvoient plutôt à des sources. Les ouvrages parus lors des années 1940-1959 sont peu nombreux. La production des années 1960-1989, nombreuse, renvoie plus à la bibliographie secondaire.
Nombre d'ouvrages par décennies :
- 1919-1929 : 43
- 1930-1939 : 25
- 1940-1949 : 7
- 1950-1959 :10
- 1960-1969 : 25
- 1970-1979 : 38
- 1980-1989 : 10
Le profil des auteurs:
Dans leur majorité, il s’agit des militaires, parfois de haut rang. Ensuite, on trouve des journalistes et en particulier les correspondants du guerre, suivis par les hommes des lettres (historiens, professeurs, enseignants, écrivains). Puis viennent des diplomates. Enfin quelques livres ont pour auteurs des membres de professions libérales (médecins, avocats) et des membres du clergé.
Pourquoi écrire?
Les raisons qui ont poussé les auteurs à écrire sont multiples. Cependant certaines sont récurrentes. Les auteurs des ouvrages autour la guerre greco-turque (1919-1922) peuvent être divisés en deux groupes : les témoins et les autres.
La motivation des premiers est de raconter ceux qu’ils ont vu et vécu. Leurs livres sont souvent écrits sur un mode sentimental, voire pathétique. Ils ont un contenu moralisateur : les témoins souhaitent transmettre aux générations futures leur propre expérience et leur mémoire. ‘’L’histoire se répète’’soulignent–ils : seule une bonne connaissance de l’histoire peut prévenir les gens de commettre les mêmes fautes que par le passé.
Quant aux auteurs qui ne sont pas des témoins, ils s’intéressent plutôt à la dimension purement historique du sujet, c’est-à-dire considèrent les années 1919-1922 comme un moment historique majeur, qui a déterminé l'orientation des relations greco-turques tout au long du XXème siècle.
Quel que soit le regard porté par les auteurs, ceux-ci s’accordent à conclure que la défaite grecque en Asie Mineure fut le résultat des causes suivantes :
- l'épuisement, et de manière générale les problèmes d'approvisionnement auxquels l’armée grecque a été confrontée.
- la supériorité de l’armée turque dans le domaine de l'armement, de l'organisation et de la logistique.
- Les divisions internes grecques
- la politique des Alliés, qui malgré leurs déclarations concernant l’autodétermination des peuples n’ont finalement pas soutenu les revendications grecques.