un article de Jeanne LENA, sur le blog de l'OVIPOT

Article réalisé dans le cadre d’un mémoire de master 2 sur la traduction urbaine du conflit entre la municipalité métropolitaine et le gouvernement central à Istanbul depuis 2019 et d’un stage de quatre mois à l’Institut Français d’Études Anatoliennes (IFEA). Pour étudier cette question, des entretiens semi-directifs avec une dizaine d’habitants des Adalar ont été menés entre janvier et mai 2022.

Yassıada, « la Plate », est l’une des neuf îles de l’archipel des Adalar situé dans la mer de Marmara (îles aux Princes) et formant l’un des trente-neuf arrondissements d’Istanbul. L’île de 740 mètres de long sur 185 de large se trouve à environ 12km de Kadıköy, quartier localisé sur la rive asiatique de la métropole.

La plus petite île de l’archipel servait à l’époque byzantine de lieu de réclusion des prisonniers politiques. L’on y trouve encore la maison de maître du « château » construit par l’ambassadeur britannique Henry Bulwer[1] au XIXe siècle avant qu’il ne vende l’île à Ismaïl Pacha, khédive ottoman d’Égypte et du Soudan. L’île devient une propriété de la République turque en 1923, la marine l’acquière en 1947 et en fait un lieu de formation. En 1960 s’y sont déroulés les procès des membres du Parti Démocrate (dont celui d’Adnan Menderes, premier dirigeant démocratiquement élu de Turquie) après le coup d’État militaire, sur lesquels nous reviendrons. La marine reprend ensuite le contrôle du territoire jusqu’en 1978. L’île est remise en 1993 au département de la vie marine et des produits de la mer de l’Université d’Istanbul, mais peu à peu laissée à l’abandon en raison des contraintes géographiques. Yassıada est jusqu’à la fin des années 2010 une zone fréquentée de façon informelle, un lieu récréatif notamment pour les habitants de l’arrondissement des îles aux Princes.

Une dizaine d’années plus tard, l’île change radicalement de silhouette. Le 27 mai 2020, le président de la République rebaptise Yassıada en Demokrasi ve Özgürlükler adası, l’île de la Démocratie et des Libertés.[2] (fig. 1), dans le sillage du décret présidentiel signé par Abdullah Gül en 2013 rendant possibles les « investissements dans le domaine de la culture et du tourisme [3]» et transférant la gouvernance de l’île au ministère de la Culture et du Tourisme.

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