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Allocution inaugurale de Nora Şeni
Directrice de l’IFEA,
aux Premières Rencontres d’Archéologie de l’IFEA
11 novembre 2010

Téléchargez la préfaceN. Seni- Préface

Monsieur l’Ambassadeur,
Monsieur le Consul Général,
Chers collègues, chers amis,

Je suis extrêmement heureuse de vous accueillir pour ces premières rencontres de l’archéologie en Turquie.

Pourquoi premières rencontres ? Non pas parce qu’il n’y aurait pas eu de rencontres archéologiques auparavant entre chercheurs français en Turquie ou entre chercheurs turcs et français, mais bien parce que j’ai souhaité que ces rencontres soient organisées annuellement afin d'offrir une tribune en Turquie à l'archéologie française et à ses partenaires turcs. Ces rencontres annuelles ont pour ambition de permettre aux uns et aux autres de suivre la progression des travaux de leurs collègues, de donner à vos activités la visibilité qu’ils méritent, de favoriser le vivier de jeunes chercheurs orientant leurs recherches vers le territoire turc. Cette initiative s’inscrit au cœur de la restructuration des activités de l’IFEA autour de trois pôles (archéologie, histoire, études contemporaines) et j’ai voulu que chaque pôle organise désormais des rencontres annuelles avec les mêmes objectifs.

En remettant au centre de ses préoccupations l’archéologie, c’est à dire vos activités, vos efforts, vos avancées, vos découvertes, l’IFEA qui fut fondé en tant qu'institut d'archéologie voici 80 ans, retrouve une place et un rôle centrale qui lui sont familiers, qui lui sont naturels, et je dirai essentiels. Cela consiste certes à animer des recherches au sein de l’Institut mais aussi à accompagner, à soutenir et à promouvoir vos projets.  Ainsi, je vous demande de ne pas hésiter à prendre contact avec nous (par l'intermédiaire d'O. Henry) afin que nous puissions voir ensemble comment l’IFEA peut aider, par ses réseaux, son expérience, à faciliter vos travaux actuels et à faire émerger de nouveaux projets.

Le potentiel, les ressources de l’IFEA en archéologie et en histoire de l’art se son considérablement renforcées depuis 2009 : 6 chercheurs travaillent actuellement à l’institut dans votre domaine, dont une doctorante et un post-doc de l’Université d’Istanbul. Un programme ANR domicilié à l’IFEA est en cours, mené en collaboration toujours avec l’Université d’Istanbul. Et je suis particulièrement fière d’annoncer, pour l’année 2010, en plus du numéro annuel de la revue Anatolia Antiqua, cinq publications dans la série Varia anatolica, et un ouvrage coédité avec les éditions Kitapyayinevi qui réunit les traductions en turc des conférences byzantines organisées il y a quelques années par l’IFEA.

Une autre façon pour l’IFEA d’accompagner votre travail, d’en accroître la visibilité, de l’ouvrir aux débats est de les rendre accessibles en publiant sur des archives ouvertes (calenda, revues org etc) et/ou sur le site de l’IFEA vos résultats d’étape, votre work in progress. Je vous demanderai pour cela de déposer vos rapports et documents d’étape à l’IFEA qui bénéficie, à partir de décembre 2010, des compétences d’une documentaliste à plein temps. J’ajouterai que l’IFEA organise le mois prochain pour ses chercheurs une formation audiovisuelle qui leur permettra de filmer et éventuellement de réaliser des documentaires sur leurs activités de terrain. Voyez là une compétence supplémentaire dont vos collègues de l’IFEA pourront vous faire bénéficier.

Pour que l'IFEA préserve la mémoire de votre travail passé et futur, pour que vous participiez à la construction matérielle de cette mémoire il est aussi important que vous déposiez à la bibliothèque de l’Institut copies de vos archives passées et à venir (rapports d'activité, photos de terrain, etc.). Ces archives, qui seront bien entendu protégées, permettront aux générations futures de prendre connaissance, en détail, des travaux menés par leurs aînés.

Ces générations futures nous devons, nous tous, les aider à voir le jour en essayant de redynamiser le vivier des jeunes chercheurs, archéologues, historiens, historiens de l'art, en Turquie. C'est, je crois, en associant nos forces, nos expériences et nos ressources que nous arriverons à développer ce vivier qui est absolument vital à la recherche française.

Ces questions nous les aborderons ensemble et je viendrai le faire avec vous ce samedi à partir de 14:30h au cours des rencontres institutionnelles qui se tiendront dans les locaux de l'IFEA.

Je dirai pour conclure, nous le savons tous, les conditions de la recherche sont en pleine mutation, elles n’en finissent pas de se transformer. Nous les percevons à travers les coupes budgétaires qui nous affligent, les nouvelles méthodes d’évaluation, les nouvelles réglementations qui encadrent nos activités. Mais il n’y a pas que ces aspects qui changent. L’époque est révolue où l’on faisait ses recherches dit de « terrain à l’étranger » (à l’international) – que ce soit en histoire, en sociologie ou en archéologie – comme on fait son marché, comme on remplit son panier et s’en revient, en toute indifférence pour l’environnement local et sans rien lui devoir. Cette époque là est derrière nous. Cela tient aussi à l’histoire et à la façon qu’a eu l’archéologie de se développer. Quant à « l’indifférence » dont je parlais je voudrais, pour illustrer mon propos, vous faire part d’une découverte qui m’a surprise cette année. Je consultais les notices des membres de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et j’ai remarqué que celle rédigée pour Louis Robert, grande figure, « icône » comme vous le savez de l’érudition en histoire de l’antiquité, qui a fondé sa gigantesque œuvre sur ses travaux en Anatolie et directeur de l’IFEA pendant huit ans, j’ai remarqué donc que cette notice ne mentionnait à aucun moment les vocables Turquie, Istanbul ou Institut français d’archéologie d’Istanbul (ancêtre de l’IFEA). Certes Louis Robert avait fouillé en « Asie mineure »… Un peu comme si l’on disait que tel archéologue contemporain travaille sur Lutèce et vit non pas à Paris, non pas en France mais en Gaule.

Pour revenir à la mutation des conditions de la recherche, autant dans les sciences humaines qu’en archéologie, il faut bien comprendre que la figure du chercheur qui vient travailler en Turquie, année après année, pendant des décennies, sans élargir ses réseaux de partenaires, sans échanges scientifiques avec les universitaires et conservateurs des musées turcs, sans collaborations éditoriales avec eux, et sans apprendre un mot de turc cette figure là appartient au passé. J’ai une phrase, une espèce de motto pour exprimer ma position en ce domaine et je demande pardon à ceux qui m’ont  déjà entendu l’énoncer : Nous ne travaillons pas SUR la Turquie nous travaillons AVEC la Turquie.

Je vous souhaite de très féconds travaux pour ces Rencontres.