– Antoine Perez: De la réhabilitation historique à la question patrimoniale I. Amida/Diyarbakır (Turquie): une cité méconnue de l’Antiquité.

– Martine Assenat: De la réhabilitation historique à la question patrimoniale II. Mise en valeur et réhabilitation du centre ville de Diyarbakır.

 Diyarbakır, l’antique Amida, a durablement souffert d’un déficit historiographique qui a eu pour effet de minorer tout-à la fois son importance et son rôle historiques durant l’Antiquité. Jusqu’alors, elle était réputée fondée tardivement, sous le règne de l’empereur Constance II (337-361), en même temps que son imposante enceinte, l’un des plus grands remparts antiques à ce jour conservés dans le monde (plus de 5,5 km.). Le caractère monumental de cet ouvrage a, comme par effet de contraste, oblitéré l’existence antérieure de la ville, jugée anecdotique, alors même que de très anciennes mentions attestent son nom dès l’époque medio-assyrienne, à la fin du premier millénaire avant J.-C. L’identification récente d’un grand théâtre romano-italique probablement datable du haut-Empire pourrait permettre de lever un peu le voile sur cette réalité occultée. Associé à la remise en perspective des sources littéraires – gréco-latines, syriaques, arméniennes, perses, arabes -, cette découverte a permis de remettre en perspective l’histoire séculaire et le statut d’une cité qui fut probablement, outre une capitale régionale de l’empire assyrien, une fondation royale hellénistique – séleucide –, avant de constituer, dès l’époque des Sévères, au IIIe siècle ap. J.-C., une ciuitas majeure des marges orientales de l’empire romain.

 Cette longue durée, associée à la position privilégiée d’Amida, aux confins des mondes classiques gréco-romain et iranien ainsi qu’au carrefour de nombreuses cultures, composera un des argumentaires d’un dossier de classement UNESCO, dossier dont le rempart reste, naturellement, une pièce essentielle.

A. P.

Située sur le plateau volcanique du Karacadag à 70 mètres à l’aplomb du Tigre, entièrement bâtie de pierre volcanique noire,  Diyarbakır est la métropole historique de la haute Mésopotamie et le conservatoire de ses cultures successives. Depuis les années 90, le centre ville historique de Diyarbakır (158 hec, enserré dans de spectaculaires murailles romaines connaît une situation de forte pression démographique. La ville est passée de 274 000 habitants en 1980 à plus d'un million et demi d'habitants (1 570943) selon les statistiques de 2012. Dans le centre ville, l’arrivée des populations pauvres a été accompagnée du départ des populations plus aisées ce qui est à l’origine à la fois des nombreuses dégradations des bâtiments traditionnels, qui ont été également réutilisés comme fondations pour des constructions illégales, et, d’une verticalisation de la ville historique. La muraille a été envahie par les geçekondu. De ce fait les pouvoirs publics ont du faire face au processus de dégradation rapide du centre et de ses bâtiments historiques. Aujourd’hui le plan urbain s’attache à promouvoir une demande de classement de la ville au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il a été acté par une politique volontariste de réhabilitation de la muraille, en lien avec celle du centre ville et le réaménagement de plusieurs des axes principaux, qui s’est attaché à remettre la muraille en valeur, à restaurer un certains nombre de bâtiments historiques ou traditionnels et à aménager des espaces piétonniers et des espaces verts. L’ensemble de ces démarches, et en dernier lieu la dynamique que sollicite le projet UNESCO, a favorisé le développement de recherches sur l’histoire de la ville. Un inventaire des biens à protéger a été réalisé. C’est dans ce contexte que le projet AMIDA (du nom antique de la ville) a été mis en place. Il vise à protéger le site en attirant l’attention des acteurs locaux sur l’importance des aspects non nécessairement spectaculaires du patrimoine diyarbakiriote où sur la sensibilité de certaines zones topographiques (quartiers du forum, du tetrapylon, du théâtre, zones des carrières antiques, éléments en réemploi…). Il doit également permettre une acquisition ortho-photographique des murailles et l’élaboration de bases de données utiles aux recherches actuelles et futures.

M. A.