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Dès le Moyen Âge, le territoire de l’Empire byzantin — et avant tout Constantinople, sa capitale — a vu passer des voyageurs venus de tous horizons, diplomates, marchands, prisonniers, pèlerins, missionnaires, qui ont parfois laissé des récits. Lors de leurs visites, les guides leur racontaient des historiettes à propos des bâtiments, des statues, des ruines, des sites… et leur vantaient l’abondance des reliques conservées dans les sanctuaires,

Pierre Gilles (1489-1555) est le premier voyageur à confronter systématiquement les informations et observations recueillies in situ avec les textes anciens, classiques et byzantins. Il séjourna dans l’Empire ottoman, et surtout à Istanbul, entre 1544 et 1552. Revenu finir ses jours à Rome, c’est dans les bibliothèques de cette ville qu’il élabora son œuvre, en grande partie grâces aux manuscrits alors inédits. Son Bosphore de Thrace et sa Topographie de Constantinople restent une base essentielle pour la connaissance des monuments de la capitale et de ses environs immédiats - malheureusement pour nous sans la moindre illustration.

Nous suivrons en trois occasions une démarche inspirée de Pierre Gilles. Partant des sources byzantines qui documentent trois monuments, nous les reconnaîtrons dans les témoignages de voyageurs de l’époque ottomane (16-18e siècles) complétés par des gravures et dessins contemporains.

Le monastère de la Vierge Pammakaristos — aujourd’hui Fethiye camii — sera notre premier exemple. Siège du patriarcat grec orthodoxe après la conquête (1455 à 1588), le complexe de bâtiments a été particulièrement visité et décrit par les voyageurs allemands (XVIe siècle). En combinant les informations que nous fournissent les diverses descriptions, nous pouvons nous faire une image quasi-complète de l’église, avant les aménagements liés à sa transformation en mosquée. Des gravures représentent des éléments aujourd’hui complètement disparus (mobilier, décors).

Le deuxième exemple est une église qui a complètement disparu, Saint-Jean du Dihippion. Probablement construite au commencement du viie siècle, elle se dressait à l’entrée de l’Hippodrome (At meydanı). Elle est connue par les sources byzantines jusqu’à la fin de l’Empire. Dès la seconde moitié du xve siècle, les documents ottomans et les récits de voyages la désignent comme l’une des ménageries où l’on gardait les fauves du Sultan (Arslanhane). Un texte encore inédit, rédigé à l’occasion de son démantèlement en 1609, donne des précisions sur son architecture et son décor.

Nous terminerons par un complexe monumental de Bursa lié aux origines de l’État ottoman. Un grand monastère dédié à saint Jean Baptiste existait à l’angle nord-est de l’acropole. Lorsque Orhan prit la ville en 1326, il fit d’une dépendance de l’église le tombeau de son père Osman : c’est ce que les chroniqueurs ottomans appellent la Coupole d’Argent (Gümüşlü Kümbet). Après la mort du conquérant, son fils Murat Ier l’ensevelit dans l’église elle-même (Orhan türbesi). De 1588 au tremblement de terre de 1855, des voyageurs — une trentaine — décrivent telle ou telle partie de l’ensemble dont ils reconnaissent l’origine byzantine. Ces témoignages souvent fragmentaires ne permettaient guère de se faire une idée du complexe architectural, jusqu’à ce que soient découverts et publiés trois dessins exécutés entre 1675 et 1835.