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Description de l’altération de la pierre sur les remparts de la cite ancienne de Diyarbakir

Philippe Bromblet

Ingénieur de recherche

Centre interdisciplinaire de conservation et de restauration du patrimoine

Marseille

 

 

 


altération pierre

 

L’étude menée pendant une semaine au mois de juin 2013 a consisté à faire un inventaire illustré des principales dégradations de la pierre qui affectent la pierre et les maçonneries des remparts de Diyarbakir.

Les cinq kilomètres de l’enceinte (intérieurs et extérieurs) ont été examinés dans le but de recenser toutes les figures d’altération visibles.

Le glossaire français/anglais ICOMOS (collectif, 2008) portant sur la dénomination des altérations de la pierre a été utilisé pour ce travail.

La pierre des tours et courtines qui constituent les remparts, est un basalte sombre, plus ou moins compact et vitraux. Il a été extrait des différents niveaux qui composent la coulée sur laquelle est bâtie la ville (colonnade (orgues basaltiques), entablement et fausse colonnade). Quelques frises montrant des inscriptions qui ont été insérées dans les tours, sont en calcaire blanc fin.

Les morphologies des dégradations de la pierre qui ont été relevées, entrent dans cinq des six catégories du glossaire ICOMOS :

  • fissures et déformation (fractures traversantes et fissures),

  • détachement (épaufrures, desquamations, érosion en boule, desquamation en plaque, désagrégation granulaire),

  • figures d’altération induites par une perte de matière (alvéolisation, érosion, dissolution (calcaire), trace d’impact, partie manquante, perforations),

  • décoloration et dépôt (efflorescences, croûtes noires, surface mouillée, encroûtements, patine et graffiti),

  • colonisations biologiques (algues, mousses, lichens, plantes).

Concernant les maçonneries, les désordres les plus fréquents sont ceux qui affectent les parements qui se déforment, se fracturent et se décollent jusqu’à s’effondrer en mettant à nu l’épais blocage intérieur des fortifications.

Si les formes de dégradation du basalte sont nombreuses et variées, il s’avère que les zones affectées sont limitées et qu’aucune ne menace réellement l’intégrité du monument. Certaines sont d’ailleurs anciennes et plus du tout actives aujourd’hui. Par contre, les phénomènes de dissolution et d’érosion des pierres calcaires sont en train de faire disparaître les textes sculptés. Il serait nécessaire de pratiquer sans délai des interventions de conservation/restauration pour préserver les quelques frises calcaires qui se dégradent le plus.

L’état des maçonneries est plus inquiétant. Les parements sont par endroits très instables voire en cours d’effondrement. Des programmes d’intervention (remontage, reconstruction) et de valorisation ont été réalisés et d’autres sont en cours, mais la tâche est immense et les remontages déjà effectués ne montrent pas toujours une durabilité satisfaisante.

Les dégradations des pierres et des maçonneries sont principalement liées à des circulations d’eau, des cristallisations de sels solubles et des problèmes de charge.

Outre les conditions climatiques, plusieurs facteurs entrent en jeu :

  • l’état incomplet des constructions, avec notamment la disparition des parties hautes qui protégeaient les remparts contre la percolation des eaux de pluie à travers les maçonneries,

  • la dimension du site qui ne permet pas un entretien régulier et suffisant des maçonneries d’autant que certaines portions des remparts sont encore masquées par des habitations que les services de la Ville récupèrent progressivement en négociant le départ des habitants,

  • le mode de construction des parements en petit appareil, qui n’assure pas une bonne liaison du parement avec le blocage,

  • l’enlèvement des pierres des premières assises, probablement récupérées et réemployées dans de nouvelles constructions.

Cette campagne de terrain n’est que la première étape de l’étude des dégradations de la pierre de l’ancienne cité de Diyarbakir. Une fois que les plans en élévation des remparts auront été réalisés, une cartographie des altérations pourra être entreprise pour préciser l’état sanitaire des constructions en fonction de leur situation. L’analyse de quelques prélèvements permettra alors d’affiner le diagnostic des dégradations. Une évaluation critique des travaux déjà réalisés (origine de la pierre, type de finition, mortier, évolution dans le temps etc.) fournira des informations complémentaires. L’ensemble des données sera utile pour dresser un constat de l’état de conservation des remparts et définir un cahier des charges des méthodes de conservation/restauration adaptées et durables.

Enfin, des mortiers ont été prélevés dans des constructions de différentes périodes pour être analysés. Les analyses sont en cours, mais les premiers résultats (examen sous la loupe binoculaire et composition minéralogique par diffraction des rayons X) ne mettent pas en évidence de différences de composition significatives entre ces différents matériaux constitués des mêmes agrégats (sable alluvionnaire de la vallée du Tigre) et d’un même liant (chaux aérienne).