Mobilité Turquie-France

La Fondation Maison des sciences de l’homme, en partenariat avec l'FEA, propose des aides à la mobilité pour des séjours en France de 2 à 3 mois aux chercheur.e.s postdoctorant.e.s turc.que.s ayant soutenu leur thèse en SHS à partir de 2016.

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La bibliothèque et l'atelier de cartographie sont ouvert sur rendez-vous


Burçak MADRAN
Muséographe 

Le premier quart du XXe siècle a été une époque, en particulier en Europe, marquée par les guerres, les mouvements de population, le souvenir des destructions ou encore les avancées dans le domaine des communications. Durant ce même quart de siècle, la Turquie a également été profondément affectée par des changements et transformations intenses et depuis une dizaine d’année, l’intérêt pour les sites mémoriels s’est accru. En entrecroisant le souvenir des guerres et des exils encore présents dans les mémoires et les sites et vestiges encore visibles dans le paysage, la mémoire collective a pu se matérialiser. Afin de refléter le vécu de ces sites dans leur totalité, les projets de mise en valeur passent souvent par des interventions complexes sur le paysage. Pour créer des “lieux de mémoire”, il est nécessaire de trouver des composantes visibles “in-situ” de l’histoire  des guerres du début du XXe siècle et de leurs conséquences et surtout de proposer une nouvelle vision mettant en relation les approches proposées par différentes disciplines. Les sites liés à l’histoire contemporaine ne peuvent pas être uniquement interprétés à travers les marques physiques du paysage. Il est nécessaire de prendre en compte les expériences personnelles et le vécu commun donnant lieu à la narration de souvenirs, à la transmission d’une éducation personnelle et à la formation d’une mémoire collective et d’entrecroiser ces informations avec les données géographiques et les éléments fournis par le patrimoine matériel et immatériel. C’est ainsi que commence les processus de patrimonialisation.

Les processus décisionnels, les spécialistes qui participent aux recherches, aux évaluations et aux interprétations mais aussi la société toute entière sont des acteurs et facteurs de ce processus de patrimonialisation. Les sentiments nationaux particulièrement présents lorsqu’il est question d’événements historiques proches mais aussi les aspects administratifs ou encore financiers rendent ce processus plus complexe encore. Du point de vue des sentiments nationaux, un site géographique à caractère historique pourrait faire l’objet d’interprétations problématiques et c’est pourquoi il est important de s’interroger longuement avant de mettre en œuvre un projet de mise en valeur. Comment les différents acteurs (institutions scientifiques, administratives, organisations non-gouvernementales...) peuvent-ils orienter les approches de ce patrimoine?  Comment, une fois mis en valeur, un site peut-il passer d’un “milieu de mémoire” à un “lieu de mémoire”?

Pour permette quelques commentaires à partir de ces questions, il faut mettre en relation les vestiges matériels et immatériels de ce patrimoine et par conséquent introduire les musées et la muséographie dans le processus.  Le rôle de la muséologie des sites marqués par les guerres, est, en particulier, de créer des liens entre les traces et vestiges matériels visibles dans le paysage, les  objets de la guerre et surtout le vécu tel qu’il est raconté (à l’écrit ou à l’oral) par les acteurs et témoins des événements. En muséologie, ce type de mise en valeur est appelé “espace muséographique” : plus souvent utilisé pour des sites plus anciens (en particulier des sites préhistoriques ou archéologiques...), l’espace muséographique permet de présenter au public des objets et autres biens matériels à caractère patrimonial sans les arracher de leur site d’origine et ainsi de proposer une approche différente du site historique et du patrimoine. Ainsi, à l’interprétation passant de génération en génération s’ajoute la possibilité d’avoir sa propre mémoire d’un site et d’une histoire. Les musées s’articulent dans ces lieux de mémoire comme des espaces de protection, de conservation, de recherche, d’interprétation et de présentation qui permettent une compréhension plus précise et plus détaillée des sites en question. Dans les politiques du patrimoine culturel de Turquie, cette articulation site/musée n’a pas une seule raison administrative, elle joue aussi un rôle dans la volonté de sensibilisation de la société. Les musées prenant place dans les sites de mémoire sont désormais pensés comme des “centres d’interprétation”

Dans le cadre de la loi 4533 sur le Parc national historique de Gallipoli a été mis en place un Plan de développement de longue durée. Au cœur de la géographie de ce parc prennent place 3 musées ainsi qu’un musée militaire directement inscrit dans le parc. A cela s’ajoute un “Centre de présentation” situé à Kilye et dont le but est de fournir des éléments muséographiques permettant une meilleure compréhension du site. Commencé en 2003 et inauguré en 2005, le centre a été une pièce majeure du processus de patrimonialisation et de la mise en œuvre d’une large collaboration. Les décisions prises au cours de ce processus et leurs applications nécessitent donc d’être considérées dans leur ensemble. 

Un autre site de l’histoire militaire, qui, pour le moment, reste en retrait par rapport à Gallipoli, est les forteresses Kıyık à Edirne. Dix ans après la création du parc de Gallipoli, avec de nouveaux acteurs et une structure administrative différente, le projet d’espace muséographique consacré à la thématique “Şükrü Paşa et la défense d’Edirne”  a pour but la réorganisation de la mise en valeur du fort. Dans cet exposé, nous proposerons une comparaison de ces deux sites aménagés à 10 ans d’intervalles.